Contrairement à un adage populaire selon lequel
“Tout juge est magistrat, mais tout magistrat n’est pas juge”
Il existe dans nos juridictions des juges qui ne sont pas des magistrats et qui n’ont pas suivi un cursus universitaire complet en droit.
Les cours et tribunaux de la République démocratique du Congo sont également caractérisés par la présence de ces juges qui ne sont pas des magistrats à savoir :
• les juges consulaires des tribunaux du commerce ;
• les juges assesseurs des tribunaux de travail ;
• les juges assesseurs des tribunaux de paix;
• les juges assesseurs des cours et tribunaux militaires;
• Certains juges de la Cour constitutionnelle.
La méconnaissance par le public et le monde académique peut s’expliquer par le fait que la majorité des gens penser que le pouvoir de dire le droit et de trancher les litiges est l’apanage à des magistrats juges (sous réserve des modes alternatifs de règlement des Conflits).
Nous allons analyser le fonctionnement de toutes ces juridictions que nous venons de citer pour mieux comprendre le pourquoi de la présence des juges non magistrats à leurs seins.
1. Les juges assesseurs des tribunaux de commerce
En République démocratique du Congo, les tribunaux de commerce ont été instaurés par la loi n’º002/2001 du 03 juillet 2001 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux de commerce.
Aux termes de l’article 2 de la loi du 03 juillet 2001 on peut lire que le Tribunal de Commerce est une juridiction de droit commun siégeant au premier degré est composée de juges permanents qui sont des magistrats de carrière et de juges consulaires. Son siège ordinaire et son ressort sont ceux du Tribunal de Grande Instance.
Il est présidé par un magistrat du siège appartenant au corps judiciaire désigné et le cas échéant, relevé de ses fonctions par le Ministre de la Justice
Le quatrième article de la même loi dispose « les juges consulaires sont élus, pour une durée de deux ans pour le premier mandat et quatre ans pour les mandats suivants, par un collège électoral composé de délégués consulaires désignés par les organisations professionnelles également reconnues et représentatives du commerce et de l’industrie à savoir la FEC et la COPEMECO ».
La présence du juge consulaire dans des tribunaux de commerce est justifié par le fait que le juge consulaire est un juge des faits, c’est-à-dire qu’il a la maitrise des us et coutumes des affaires. Il apporte son expertise et éclaire le tribunal. Il dirige aussi la procédure collective d’apurement du passive pour permettre aux entreprises en difficulté de se redresser. Sa nomination dans cette procédure, lui fait porter le nom de « juge commissaire ».
A savoir :
En France, les juges qui statuent en matière commerciale, en première instance, sont des chefs d’entreprise élus par leurs pairs.
2. Les juges assesseurs des tribunaux de travail
En République démocratique du Congo, les tribunaux du Travail sont créés par la loi nº 016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du travail et sont composé d’un Président, des Juges et des Juges-assesseurs.
Le Président et les juges sont désignés par le Ministre ayant la Justice dans ses attributions parmi les juges du Tribunal de Grande Instance.
Les Juges-assesseurs sont conformément à la même loi désignée pour un mandat de deux ans par le Ministre ayant le Travail et la Prévoyance Sociale dans ses attributions sur base des listes proposées par les Organisations professionnelles des Employeurs et des Travailleurs.
La présence du juge assesseur dans un tribunal de travail se justifie en ce sens qu’étant un professionnel (employé dans une entreprise de la place), ce dernier a une certaine expérience en dans son domaine et possède une certaine expérience et connaissance pratique sur lesquels peut s’appuyer le juge magistrat de carrière.
3. Les juges assesseurs des tribunaux de paix
Les tribunaux de paix en République démocratique du Congo ont une existence récente, toutefois, il y a eu plusieurs textes légaux qui avaient tenté de les organiser.
C’est le cas de l’arrêté Royal du 13 mars 1938, instituant les juridictions indigènes, le décret du 12 mai 1958 créant les tribunaux des villes, des territoires, des communes, des centres, des secteurs et des chefferies.
En effet, la création des tribunaux de paix a été voulue pour pallier aux soucis de rapprocher les justiciables aux juges.
Le tribunal de paix regroupe en son sein deux corps de magistrats à savoir : un corps des magistrats composé d’un président, d’un ou de plusieurs juges et de deux assesseurs au moins, et un corps des greffiers ayant à la tête un greffier titulaire. (Voir les articles 24 et 27 du Code d’O.C.J).
Si le juge de paix est un magistrat dont la mission principale est de dire de droit, c’est-à-dire de trancher les litiges conformément à la loi et à leur intime conviction. Les juges assesseurs quant à eux sont des notables qui forment le siège avec un juge de paix lorsqu’il y a lieu de faire application de la coutume. Ils sont désignés par le Ministre de la Justice parmi les notables du ressort dans lequel se situe le tribunal de paix et régis par un règlement d’administration propre.
4. Les juges assesseurs des cours et tribunaux militaires
La Loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire dans son article 32 alinéa 1 dispose que « Le Président d’une juridiction militaire désigne, au sort et pour une session de trois mois, les juges assesseurs et leurs suppléants parmi les officiers des Forces Armées et des corps assimilés ».
Cependant, le code militaire en son article 4 dresse une liste des magistrats militaires dans laquelle les juges assesseurs ne figurent pas :
• Le Premier Président, les Présidents et les Conseillers de la Haute Cour Militaire ; le Premier Président, les Présidents et les Conseillers des Cours Militaires et Cours Militaires Opérationnelles ; les Présidents et les Juges des Tribunaux Militaires de Garnison ; les Présidents et les Juges des Tribunaux Militaires de Police ;
• L’Auditeur Général des Forces Armées, les Premiers Avocats Généraux des Forces Armées et les Avocats Généraux des Forces Armées ; les Auditeurs Militaires Supérieurs, les Avocats Généraux Militaires et les Substituts des Auditeurs Militaires Supérieurs près les Cours Militaires et les Cours Militaires Opérationnelles ; les Auditeurs Militaires, les Premiers Substituts et les Substituts des Auditeurs Militaires près les Tribunaux Militaires de Garnison et de Police.
5. Les juges non-magistrats de la Cour constitutionnelle
La cour constitutionnelle en République démocratique du Congo est instituée par l’article 157 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour. Cette cour est composée d’un collège de neuf juges dont les deux tiers des membres doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. On comprend par-là que même l’accès à la Cour constitutionnelle n’est pas l’exclusivité de seuls magistrats de carrière.
D’ailleurs la composition actuelle de la cour constitutionnelle en est le parfait exemple.
Les juges de la cour constitutionnelle ne sont pas tous des magistrats de carrière.
S’agissant des juges de la Cour constitutionnelle, la loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats en République démocratique du Congo dispose en son article 87 : « Ne sont pas magistrats au sens de la présente loi :
1. les juges consulaires tels qu’établis par la loi n°002/2001 du 3 juillet 2001 portant organisation des tribunaux du commerce ;
2. les juges assesseurs des tribunaux de travail ;
3. les juges assesseurs des tribunaux de paix ».
En définitive, il sied de retenir que tous les juges que nous avons dans nos cours et tribunaux ne sont pas des magistrats. Le développement de la science du droit a vu naître l’existence des certaines matières spécialisées que le juge magistrat de carrière n’a pas été en mesure de bien saisir les rouages pour bien dire le droit, c’est ainsi que l’on a ouvert les portes des prétoires à certaines catégories de personnes ayant des connaissances et de l’expertise pratiques dans leurs domaines.
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Notes et références
• Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour ;
• Loi n°002/2001 du 3 juillet 2001 portant organisation des tribunaux du commerce ;
• Loi organique n°06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats ;
• Ordonnance présidentielle 79-105 du 4 mai 1979 ;
• Loi nº 016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du travail ;
• Loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire ;