Pythagore est un nom célèbre dans l’histoire de la philosophie et des mathématiques. On lui attribue le fameux théorème de Pythagore, qui établit une relation entre les côtés d’un triangle rectangle, ainsi qu’une doctrine mystique basée sur la croyance en la réincarnation et en la puissance des nombres. Mais Pythagore a-t-il vraiment existé ? Ou n’est-il qu’un personnage légendaire, inventé par ses disciples ou par des auteurs postérieurs ?
1. Les sources sur Pythagore
Le premier problème que l’on rencontre quand on veut étudier la vie et la pensée de Pythagore, c’est le manque de sources directes. En effet, Pythagore n’a laissé aucun écrit de sa main, et les témoignages les plus anciens sur lui datent du Ve siècle av. J.-C., soit plus d’un siècle après sa mort supposée. Ces témoignages sont souvent contradictoires, imprécis ou fantastiques. Par exemple, Hérodote, le père de l’histoire, affirme que Pythagore était originaire de Tyr, en Phénicie, alors que la plupart des autres sources le disent né à Samos, une île grecque. Certains auteurs lui attribuent des miracles, comme la capacité de se dédoubler ou de dompter des animaux sauvages par sa voix. D’autres lui prêtent des connaissances scientifiques ou musicales qu’il aurait acquises lors de ses voyages en Égypte, en Perse ou en Inde.
Les sources les plus complètes sur Pythagore sont encore plus tardives : il s’agit des biographies écrites par Diogène Laërce, Porphyre et Jamblique, entre le IIIe et le IVe siècle apr. J.-C., soit plus de huit siècles après la mort présumée du philosophe. Ces biographies sont largement inspirées par le néopythagorisme, un courant philosophique qui se réclamait de l’héritage de Pythagore et qui mélangeait des éléments platoniciens, stoïciens et orientaux. Elles sont donc peu fiables du point de vue historique, et relèvent plutôt de l’hagiographie.
2. Les arguments pour nier l’existence de Pythagore
Pythagore est présenté comme étant l’un des mathématiciens les plus célèbres de l’Antiquité, connu pour son théorème sur les triangles rectangles. Mais ce certains historiens ont remis en cause son existence, en se basant sur plusieurs arguments. Voici les principaux :
– Il n’existe aucune source contemporaine de Pythagore qui atteste de sa vie ou de ses œuvres. Les premiers témoignages sur lui datent du IVe siècle av. J.-C., soit plus de deux siècles après sa mort supposée. Il est donc possible que Pythagore soit une figure légendaire, inventée par ses disciples ou par des auteurs postérieurs.
– Il n’existe aucune preuve que Pythagore ait écrit quoi que ce soit. Tous les écrits qui lui sont attribués sont soit perdus, soit apocryphes, soit d’origine néo-pythagoricienne (une école philosophique qui s’est développée à partir du Ier siècle av. J.-C.). Il est donc possible que Pythagore n’ait été qu’un maître oral, dont les enseignements ont été transmis et déformés par la tradition.
– Il n’existe aucune certitude sur les origines ou le parcours de Pythagore. Selon les sources, il serait né à Samos, à Tyr ou à Sidon. Il aurait voyagé en Égypte, en Babylonie, en Inde ou en Perse. Il aurait fondé une école à Crotone, à Métaponte ou à Tarente. Il aurait été tué lors d’une révolte populaire, lors d’un incendie ou lors d’une famine. Il est donc possible que Pythagore soit une figure composite, qui rassemble des éléments de plusieurs personnages historiques ou mythiques.
– Il n’existe aucune originalité dans les doctrines attribuées à Pythagore. Le théorème de Pythagore était déjà connu des Babyloniens et des Égyptiens. La théorie des nombres était déjà développée par les mathématiciens grecs antérieurs à Pythagore. La doctrine de la transmigration des âmes était déjà présente dans les religions orientales. Il est donc possible que Pythagore n’ait été qu’un compilateur ou un vulgarisateur, qui a emprunté ses idées à d’autres sources.
Ces arguments sont-ils suffisants pour nier l’existence de Pythagore ? Pas nécessairement. Il se peut que Pythagore ait réellement vécu au VIe siècle av. J.-C., mais que sa biographie et ses œuvres aient été perdues ou altérées par le temps et par les intérêts de ses successeurs. Il se peut aussi que Pythagore ait été un génie original et novateur, mais que ses découvertes aient été anticipées ou reprises par d’autres civilisations ou courants de pensée. Il se peut enfin que Pythagore ait été un personnage complexe et mystérieux, qui a laissé une empreinte durable dans l’histoire de la philosophie et des sciences.
Quoi qu’il en soit, il est difficile de trancher définitivement la question de l’existence de Pythagore, faute de sources fiables et indépendantes. Il reste donc un sujet de débat et de fascination pour les historiens et les amateurs de mathématiques.
Face à ce manque de sources fiables et contemporaines, certains chercheurs ont émis l’hypothèse que Pythagore n’a jamais existé, et qu’il n’est qu’une figure mythique créée par ses disciples ou par des auteurs ultérieurs. Voici quelques-uns des arguments avancés par ces chercheurs:
– Le nom même de Pythagore pourrait être un pseudonyme ou un surnom signifiant “celui qui a été annoncé par la Pythie”, la prêtresse d’Apollon à Delphes. Ce nom pourrait donc indiquer une origine divine ou prophétique du personnage.
– Le théorème de Pythagore n’a pas été découvert ni démontré par Pythagore, mais par les Égyptiens ou les Babyloniens bien avant lui. Pythagore aurait simplement popularisé cette connaissance mathématique en Grèce.
– La doctrine pythagoricienne est trop complexe et trop variée pour être l’œuvre d’un seul homme. Elle résulte plutôt d’une synthèse de différentes traditions philosophiques, religieuses et scientifiques, élaborée progressivement par les disciples de Pythagore ou par des auteurs postérieurs.
– La vie de Pythagore est trop semblable à celle d’autres sages ou fondateurs religieux, comme Bouddha, Zoroastre ou Jésus. Elle présente des éléments merveilleux ou miraculeux qui relèvent du mythe plutôt que de l’histoire.
3. Les arguments pour défendre l’existence de Pythagore
Face à ces arguments sceptiques, d’autres chercheurs ont tenté de défendre l’existence historique de Pythagore
Le premier argument est celui de la tradition. Pythagore a été mentionné par de nombreux auteurs anciens, qui lui attribuent des œuvres et des doctrines. Parmi eux, on peut citer Platon, Aristote, Diogène Laërce, Porphyre, Jamblique ou encore Proclus. Ces auteurs ont écrit à des époques et dans des contextes différents, ce qui rend peu probable qu’ils aient tous inventé ou repris une fiction. De plus, certains d’entre eux se réfèrent à des témoins directs ou indirects de Pythagore, comme ses disciples ou ses contemporains. Par exemple, Platon cite Philolaos, un pythagoricien qui aurait connu Pythagore personnellement. Aristote rapporte les opinions de plusieurs pythagoriciens sur divers sujets. Diogène Laërce donne une liste de 18 écrits attribués à Pythagore. Porphyre et Jamblique rédigent des biographies détaillées de Pythagore, en se basant sur des sources antérieures. Proclus commente le théorème de Pythagore en le nommant ainsi. Tous ces éléments témoignent d’une tradition ancienne et variée qui reconnaît l’existence de Pythagore.
Le deuxième argument est celui de la cohérence. Pythagore apparaît comme le fondateur d’une école philosophique et scientifique qui a eu une influence majeure dans l’histoire de la pensée occidentale. Les pythagoriciens se distinguaient par leur mode de vie communautaire et ascétique, leur respect des nombres et des proportions, leur recherche de l’harmonie et de l’ordre cosmique, leur intérêt pour la musique et l’astronomie, leur croyance en la métempsychose ou transmigration des âmes. Ces caractéristiques sont cohérentes avec le contexte historique et culturel dans lequel Pythagore aurait vécu, au VIe siècle av. J.-C., en Grèce et en Italie du Sud. Elles reflètent aussi les influences qu’il aurait reçues, comme celles de l’Orient (Égypte, Babylone, Perse), de l’orphisme (un courant religieux mystique) ou de l’école milésienne (les premiers philosophes présocratiques). Il est donc plausible que Pythagore ait existé comme le chef charismatique et le maître spirituel d’un mouvement intellectuel original et novateur.
Le troisième argument est celui de la postérité. Pythagore a laissé une empreinte durable dans l’histoire des sciences et de la philosophie. Son nom est associé à plusieurs découvertes et concepts fondamentaux, comme le théorème de Pythagore (même s’il n’en est pas forcément l’inventeur), la notion de nombre irrationnel (comme la racine carrée de 2), la classification des intervalles musicaux (comme l’octave ou la quinte), le modèle géocentrique du système solaire (avec les planètes tournant autour d’un feu central), la théorie des contraires (comme le pair et l’impair, le fini et l’infini, le bien et le mal), ou encore la métaphysique des nombres (comme le nombre 1 symbole de l’unité, le nombre 2 symbole
Conclusion
En somme, nous avons vu que la thèse selon laquelle Pythagore n’a jamais existé est fondée sur des arguments historiques, philosophiques et mathématiques. Nous avons montré que les sources antiques qui mentionnent Pythagore sont tardives, contradictoires et légendaires, que la doctrine pythagoricienne est diverse, complexe et influencée par d’autres courants de pensée, et que les théorèmes attribués à Pythagore sont en réalité le fruit de découvertes collectives et anonymes. Ainsi, nous pouvons affirmer que Pythagore n’est pas un personnage historique, mais une figure mythique qui a servi de symbole à une école de pensée et à une tradition mathématique.
