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Peut-on diffuser sur les réseaux sociaux des captures d’écran d’une conversation ?

La protection de la vie privée et des données personnelles dans le domaine des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication est assurée par la Loi n° 20/017 du 25 novembre 2020. Cette loi prévoit dans son Titre IIIe, articles 126 à 133, le droit au secret des correspondances pour tout utilisateur de ces services et réseaux. La loi interdit toute interception, écoute, enregistrement, transcription et divulgation des correspondances sans autorisation préalable du Parquet général près la Cour de cassation. Cette autorisation doit être motivée par les besoins de la justice dans une affaire judiciaire et doit indiquer la liaison visée, l’infraction qui la justifie et sa durée. L’autorisation est valable pour trois mois et peut être renouvelée. La loi innove par rapport à la Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 en étendant le droit au secret des correspondances aux technologies de l’information et de la communication, en plus des télécommunications. La Loi-cadre se contentait de garantir ce droit sauf si une autorité publique intervenait pour des raisons d’intérêt public prévues par la loi et dans les limites fixées par celle-ci.

Vous vous demandez peut-être si vous pouvez diffuser sur les réseaux sociaux des captures d’écran d’une conversation que vous avez eue avec quelqu’un. Que ce soit pour partager un moment drôle, une anecdote intéressante ou une dispute houleuse, il est tentant de montrer à ses amis ou au monde entier ce qui se dit dans l’intimité d’un échange privé. Mais attention, cette pratique n’est pas sans risque juridique. En effet, vous pourriez porter atteinte au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances de votre interlocuteur, et vous exposer à des sanctions civiles ou pénales.

Dans les lignes qui suivent, nous allons vous expliquer pourquoi il est illégal de partager une capture d’écran d’une conversation privée sans le consentement de la personne concernée, quelles sont les exceptions à cette règle, et comment vous protéger si vous êtes victime d’une telle violation.

I. Qu’est-ce qu’une conversation privée ?

Une conversation privée est une communication entre deux ou plusieurs personnes identifiables, qui n’est pas destinée à être divulguée à des tiers. Il peut s’agir d’une conversation orale, écrite ou électronique, par exemple par téléphone, par courrier, par email ou par messagerie instantanée.

Le caractère privé d’une conversation dépend du contexte dans lequel elle a lieu, de la nature des informations échangées, et de la volonté des participants de garder leur intimité. Par exemple, une conversation entre deux collègues sur leur travail n’est pas forcément privée si elle se déroule dans un lieu public ou si elle concerne des faits professionnels. En revanche, une conversation entre deux amants sur leur relation est clairement privée si elle se déroule dans un lieu intime ou si elle contient des confidences personnelles.

II. Quel est le cadre juridique applicable ?

1. En France

La protection de la vie privée et du secret des correspondances est garantie par plusieurs textes juridiques en France :

  •  L’article 9 du Code civil dispose que “chacun a droit au respect de sa vie privée”.
  •  L’article 226-1 du Code pénal sanctionne le fait de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en captant, enregistrant ou transmettant sans son consentement des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. La peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
  • L’article 226-15 du Code pénal sanctionne le fait de porter atteinte au secret des correspondances en ouvrant, supprimant, retardant ou détournant des correspondances adressées à des tiers, ou en accédant frauduleusement à un système de traitement automatisé de données. La peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
  • Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) encadre le traitement des données personnelles dans l’Union européenne. Il impose notamment aux responsables de traitement de respecter les principes de licéité, de loyauté, de transparence, de minimisation, d’exactitude, de limitation et de sécurité des données. Il prévoit également des droits pour les personnes concernées par le traitement, tels que le droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité ou d’opposition. Le RGPD s’applique à toute organisation qui traite des données personnelles de personnes se trouvant dans l’Union européenne, qu’elle soit établie ou non dans l’Union. Le non-respect du RGPD peut entraîner des sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.

2. En République démocratique du Congo

La diffusion sur les réseaux sociaux de captures d’écran d’une conversation privée peut être considérée comme une atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances, selon le droit de la République démocratique du Congo (RDC).

2.1 La constitution

En effet, la Constitution de la République démocratique du Congo, à son article 31, dispose que “toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Nul ne peut faire l’objet d’immixtion arbitraire dans sa vie privée et familiale, dans son domicile ou dans sa correspondance”.

2.2 Le Code pénal

Par ailleurs, le Code pénal congolais, à son article 73, sanctionne le fait de “révéler un secret confié ou connu à raison de sa fonction ou de son état” par une peine d’emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 50 à 500 francs congolais.

Le Code pénal congolais ne définit pas ce qu’est un secret, mais il peut s’agir de toute information qui n’est pas destinée à être connue du public ou qui est protégée par le droit. Ainsi, une conversation privée entre deux personnes peut être considérée comme un secret, si l’une des parties n’a pas consenti à sa divulgation.

Les réseaux sociaux sont des espaces publics où les informations diffusées peuvent être vues par un large public. En publiant une capture d’écran d’une conversation privée sur les réseaux sociaux, on peut donc porter atteinte à la vie privée ou au secret des correspondances de l’autre partie.

2. 3 Loi n° 20/017 du 25 novembre 2020 relative aux télécommunications et aux technologies de l’information et de la communication

La protection de la vie privée et des données personnelles dans le domaine des télécommunications et des technologies de l’information et de la communication en République démocratique du Congo a été renforcée par la Loi n° 20/017 du 25 novembre 2020. Cette loi consacre un Titre IIIe spécifique à ce sujet, comprenant les articles 126 à 133.

Parmi les droits reconnus aux utilisateurs de ces services, figure le droit au secret des correspondances, qui interdit toute forme d’intrusion dans les communications privées sans l’autorisation du Parquet général près la Cour de cassation. Cette autorisation doit être justifiée par un intérêt judiciaire et préciser les modalités et la durée de l’interception, qui ne peut excéder trois mois renouvelables.

La loi apporte une innovation par rapport à la Loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002, qui se contentait de garantir le secret des correspondances émises par la voie de télécommunications et qui laissait une large marge d’appréciation à l’autorité publique pour y déroger en cas de nécessité d’intérêt public. La loi de 2020 étend le champ d’application du secret des correspondances aux technologies de l’information et de la communication, qui englobent notamment l’internet et les réseaux sociaux.

Il existe toutefois des exceptions à ce principe, notamment lorsque la diffusion de la conversation est justifiée par un motif légitime, comme la défense d’un droit ou la dénonciation d’un fait illicite. Il faut alors respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire ne diffuser que les éléments nécessaires et pertinents pour atteindre le but poursuivi, sans porter atteinte à la dignité ou à la réputation de l’autre partie.

En conclusion, il est déconseillé de diffuser sur les réseaux sociaux des captures d’écran d’une conversation privée sans l’accord de l’autre partie, sauf si cela est justifié par un motif légitime et proportionné. Le droit de la RDC protège le respect de la vie privée et du secret des correspondances, et sanctionne les violations de ces droits.

III. Comment vous protéger si vous êtes victime d’une telle violation.

Le partage sur les réseaux sociaux des captures d’écran d’une conversation privée peut avoir des conséquences juridiques graves pour celui qui le fait sans l’accord de son interlocuteur.

En effet, il s’agit d’une violation du secret des correspondances, qui est protégé par le Code pénal et le Règlement Général de Protection des Données à caractère personnel (RGPD). Selon l’article 226-15 du Code pénal, le fait de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout ou partie d’une correspondance émise, reçue ou interceptée est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le RGPD impose également des obligations aux personnes qui traitent des données personnelles, comme le contenu d’une conversation privée, et prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial.

Si vous êtes victime d’une telle violation, vous pouvez vous protéger en plusieurs manières. Tout d’abord, vous pouvez demander à la personne qui a partagé la capture d’écran de la supprimer immédiatement et de cesser toute diffusion. Vous pouvez également signaler le contenu illicite aux réseaux sociaux sur lesquels il a été publié, afin qu’ils le retirent dans les plus brefs délais. Ensuite, vous pouvez saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui est chargée de veiller au respect du RGPD et qui peut infliger des amendes aux responsables du traitement des données personnelles. Enfin, vous pouvez porter plainte auprès du procureur de la République ou directement devant le tribunal, pour faire valoir vos droits et obtenir réparation du préjudice subi cas d’une personne résident en France.

Si vous êtes en République du Congo, vous pouvez saisir un OPJ ou également porter plainte auprès du procureur de la République ou saisir un juge civil pour demander réparation du préjudice subi. Il est conseillé de conserver les preuves de la diffusion illicite de votre conversation privée, comme les captures d’écran ou les liens vers les publications incriminées.

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Toni Lokadi

Toni Lokadi

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Toni est responsable du contenu éditorial. L'objectif est de rendre accessible la connaissance et l'information juridique au plus grand nombre grâce à un contenu simple et de qualité.

1 Comment

  1. Avatar

    Hélène Soko

    19 avril 2023

    Merci beaucoup

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