Droit pénal

Le président de la République peut-il faire l’objet d’une procédure de flagrance ?

Avant tout, il faut savoir que la procédure de flagrance se déroule en principe comme la procédure pénale ordinaire, à la seule différence que la célérité en est l’élément distinctif. Cette caractéristique entraîne alors certaines dérogations aux règles habituelles de la procédure pénale ordinaire

En d’autres termes, les dispositions du code de procédure pénale s’applique aussi sur la procédure de flagrance à la limite des dérogations prévues par l’ordonnance-loi n° 78-001 du 24 février 1978, lesquelles dérogations que nous allons examinées dans les lignes qui suivent tout en répondant à la question principale soulevée.

1.Quieut arrêter l’infracteur en l’absence d’autorisation préalable de poursuite ?

En l’absence d’une autorité judiciaire, toute personne peut arrêter l’infracteur et le conduire immédiatement devant celle la plus proche.

L’autorité judicaire visé ici est l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère public auxquels la loi reconnait la charge de l’instruction préjuridictionnelle.

Dans le but d’appeler tous et chacun à la vigilance et à la collaboration, l’ordonnance-loi n° 78-001 du 24 février 1978 a habilité tout particulier d’arrêter toute personne qui se rendrait coupable d’une infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle, à condition de conduire immédiatement celle-ci devant l’une des autorités judiciaires la plus proche. Le non respect de cette condition entraîne, selon l’esprit de l’article 3, l’irrégularité de la procédure ; aussi, il y aura arrestation arbitraire à charge du particulier arrêtant.

Ce dernier est envisagé ici dans le sens de toute personne physique, privée ou publique soit-elle, sujette des droits et des obligations, à l’exception de l’officier de police judiciaire et du ministère public. Par conséquent, même le juge est considéré comme particulier.

À savoir :

S’agissant de personnes pour lesquelles l’autorisation est requise préalablement avant d’ouvrir les poursuites, la procédure de flagrante a supprimé cette formalité.

Cette formalité vise :

les députés et sénateurs dont les poursuites sont autorisées par l’Assemblée nation ou le Sénat, selon le cas, pour des infractions commises en cours de sessions ; et celles commises en dehors de sessions, respectivement par le bureau de l’Assemblée nation et celui du Sénat.

Exceptionnellement, cependant, en ce qui concerne les membres du Gouvernement, la Constitution du 18 février 2006 à laquelle toutes les lois nationales doivent se conformer, à son article 166 alinéa 2e requiert, qu’il y ait flagrance ou pas, la décision de poursuite à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Aussi, l’ordonnance-loi sous examen à son article 4 cite nommément les membres du Gouvernement à qui elle fait bénéficier expressément l’autorisation de poursuites.

les justiciables de la Cour d’appel dont l’autorisation de poursuite est réservée au procureur général près cette juridiction.

Rappelons que la formalité de l’autorisation des poursuites a tendance à ralentir la procédure. C’est pourquoi en cas de flagrance elle n’est pas de mise pour faciliter accélération des poursuites.

2. Une fois que la personne est arrêtée quelle est la suite ?

La base légale en est l’article 1er alinéa 1er de l’ordonnance-loi sus évoquée. Cet article prévoit que toute personne arrêtée à la suite d’une infraction intentionnelle flagrante ou réputée telle, sera aussitôt déférée au parquet et traduite sur-le-champ à l’audience du tribunal.

Les termes de l’article 1er sont clairs. Lorsqu’une personne arrêtée pour une telle infraction est aussitôt déférée devant le parquet (ou ministère public parce que ces deux notions se confondent), ce n’est pas pour que ce dernier instruise l’affaire ou pose les actes lui dévolus par la procédure pénale ordinaire, mais au contraire, c’est pour qu’il la traduise « sur-le-champ », sans autre forme de procès, à l’audience du tribunal compétent. Le ministère public est par conséquent réduit en un tremplin servant à acheminer l’infracteur à l’audience du tribunal.

3. Contre quelle personne faudra-t-il appliquer la procédure de flagrance ?

La procédure de flagrance ne concerne pas une catégorie déterminée des personnes. Le législateur emploie « toute » personne pour montrer le caractère impersonnel de la loi. Il suffit donc d’être une personne physique, privée ou publique, étrangère ou nationale, titulaire des droits et obligations pour être concernée par cette procédure.

Cependant, cette règle connait quelques exceptions.

S’agissant de personnes physiques privées, nationales ou étrangères, le problème ne se pose pas quant à admettre l’application de la procédure de flagrance sur elles.

Il se pose un épineux problème pour ce qui est des personnes physiques publiques. Ici, il faudra faire la part de chose.

Concernant les personnes physiques publiques étudiées au paragraphe précédent au profit desquelles la procédure ordinaire prévoit l’autorisation préalable de poursuite, il est sans doute qu’elles fassent l’objet de la procédure de flagrance parce l’ordonnance-loi sous examen dispose que l’autorisation n’est sera pas requise dans ce cas. Par voie de conséquence, toutes les personnes publiques à l’égard desquelles la loi ne prévoit aucune formalité ou celle d’avis avant les poursuites, sont concernées ici.

Les députés et sénateurs sont aux termes de l’article 107 de l’actuelle Constitution poursuivables le cas échéant selon la procédure de flagrance.

S’agissant de membres du Gouvernement, la Constitution du 18 février 2006 se contente de stipuler à son article 166 alinéa 2e que la décision de poursuite ainsi que leur mise en accusation seront votées à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Il suffirait d’une courte phrase « en cas de flagrance » comme il l’en a été à l’article 107 pour soumettre les membres du Gouvernement à la rigueur de la procédure de flagrance. De cette disposition, nous décelons, sans avoir froid aux yeux, la volontaire expresse du constituant de rendre compliquées les poursuites contre les membres du Gouvernement, surtout en prévoyant un vote à la majorité absolue. Et partant, la procédure de flagrance qui est une procédure accélérée ne saurait être d’application ici, en déduisons-nous.

Quant au Président de la République et le Premier ministre, la procédure de flagrance ne les concerne pas parce que :

pour les infractions commises en dehors de l’exercice de leurs fonctions, les poursuites contre eux sont suspendues jusqu’à l’expiration de leurs mandants. Si pendant ce temps la prescription est suspendue, le délai de flagrance par contre ne l’est pas.
dans l’exercice de leurs fonctions, ils ne sont pénalement responsables que des infractions de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que des délits d’initié. Et pour les infractions précitées, la procédure prévue par l’article 166 alinéa 1er de l’actuelle Constitution est de sorte à ne pas donner place à la procédure de flagrance.

Concernant les agents consulaires et ceux diplomatiques, le décret-loi du 7 juillet 1965 ratifiant la convention internationale de VIENNE du 18 avril 1961 et celle du 24 avril 1963 sur les relations respectivement diplomatiques et consulaires, dispose notamment que ceux-ci ne peuvent être soumis à aucune poursuite ; leur personne est inviolable.

La célérité de la procédure de flagrance veut à ce que la saisine du tribunal soit valablement régulière par le simple fait de la conduite immédiate du prévenu par le ministère public à l’audience du tribunal compétent. En effet, cette modalité de saisine fait échec à la citation à prévenu et à la citation directe, voire à la citation des témoins d’autant plus que ces derniers sont contraints par l’article 5 de l’ordonnance-loi n° 78-001 du 24 février 1978, de suivre le prévenu à l’audience. Par voie de conséquence, toute forme de signification de la citation n’est pas possible.

4. Quieut conduire immédiatement un infracteur à l’audience du tribunal compétent ?

En principe, c’est le ministère public qui le fait et ce, devant toutes les juridictions. Mais, exceptionnellement, devant le Tribunal de paix, en l’absence du ministère public, l’inspecteur de police judiciaire près cette juridiction le fait.

5. Comment se déroule l’instruction en matière de flagrance ?

L’instruction se fait à l’audience et, elle est sommaire

Il ressort logiquement de l’absence d’instruction préjuridictionnelle que l’instruction de l’affaire doit se faire à l’audience même. En d’autres termes, antérieurement à l’instance il n’y a pas eu d’instruction, l’officier de police judiciaire ou le ministère public n’a posé aucun acte d’instruction à son niveau.

Pour parvenir à un heureux aboutissement de l’instruction dans la rapidité, la loi oblige les témoins de l’infraction de suivre le prévenu à l’audience et d’y déposer. Aussi, ajoutons, même si ceci n’a pas été prévu expressément par la loi, les preuves récoltées éventuellement sur le lieu de l’infraction du moment que l’infracteur est arrêté, doivent être également acheminées avec celui-ci pour faciliter la rapidité de l’instruction. La loi renchérit en ces termes :

« Si l’affaire n’est pas en état de recevoir jugement, le tribunal en ordonne le renvoi à l’une de ses plus prochaines audiences pour plus amples informations et commet, s’il échet, l’officier du ministère public pour procéder toutes affaires cessantes, aux devoirs d’instruction qu’il précise ».

C’est dans ce contexte que le ministère public ainsi que l’officier de police judicaire commis par le juge, peuvent procéder au besoin aux perquisitions et visites domiciliaires au-delà des heures légales. C’est aussi dans ce sens, estimons-nous, qu’il faudra envisager les pouvoirs accrus de l’officier de police judiciaire en cas d’infraction flagrante, prévus par les articles 84 et suivants de l’ordonnance n°78-289 du 3 juillet 1978.

Au regard du principe d’indépendance du ministère public, le juge n’a pas à ordonner à celui-ci de compléter l’instruction laquelle relève de l’audience de sa propre compétence. Puis, les perquisitions et visites domiciliaires s’opèrent ordinairement entre cinq heures du matin et vingt et une heures. Le paradoxe est que la procédure de flagrance apporte des atténuations à l’égard de ce qui précède.

6. Qu’en est-il du prononcé du jugement sur dispositif et de son caractère contradictoire ?

Aux termes de l’article 9 de l’ordonnance-loi sous examen, le jugement est rendu sur dispositif immédiatement après la clôture des débats.  Il est rédigé dans les quarante-huit heures.

Contrairement à la procédure pénale ordinaire où la loi exige d’un côté que le jugement soit motivé et de l’autre, le délai de huitaine à partir de la clôture des débats pour rendre le jugement, la procédure de flagrance elle, veut que ce dernier soit rendu aussitôt après la clôture des débats sur simple dispositif.

Le défaut est retenu à l’ordinaire lorsqu’une partie ne comparaît pas ou ne s’est pas valablement représentée à l’audience. Tandis que dans la procédure de flagrance, le défaut est écarté quant au prévenu s’il a pu s’enfuir au cours de l’audience ; la décision rendue à cette occasion, contre lui est toujours réputée contradictoire. C’est dans le but d’éviter toute manœuvre dilatoire consistant à faire défaut pour bénéficier ou jouir par la suite du droit de l’opposition que le législateur a prévu cette dérogation.

7. Quelles sont les voies de recours ?

Sauf l’opposition qui est supprimée à dessein par l’ordonnance-loi sous examen, toutes les autres voies de recours sont exercées conformément à la procédure ordinaire. La célérité et la dérogation consistent ici dans le fait que la juridiction saisie d’appel est tenue d’examiner la cause toutes affaires cessantes ; puis, en cas de cassation, la Cour ordonne le renvoi, s’il y a lieu, devant ses sections réunies.

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Toni Lokadi

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