La distinction repose sur un critère finaliste, c’est le but de la décision ou de l’opération de police qui conditionne son rattachement à la police administrative ou judiciaire.
La police administrative se définit comme l’activité de prestation ou d’édiction de normes ayant pour objet le maintien de l’ordre public, elle a donc une finalité préventive, elle vise à maintenir l’ordre public en évitant le désordre.
La police judiciaire en revanche vise à découvrir les infractions, à en rechercher les auteurs et à les livrer aux tribunaux, elle a donc une finalité répressive, ce critère de distinction a été consacré à la fois par le C.E. 11/05/1951 Consorts Baud et le TC 7/06/1951 Dame Noualek.
Par conséquent lorsque l’opération de police consiste à rechercher ou arrêter les auteurs d’une infraction pénale déterminée on est dans le cadre de la police judiciaire, lorsque l’opération consiste dans l’exécution de missions de contrôle et de surveillance générale on est dans le cadre de la police administrative.
Ce critère jurisprudentiel est conforme à la définition des missions de police judiciaire contenu dans le CPP. Le code dispose que ” la police judiciaire est chargée de constater les infractions à la loi pénale … “.
Il est revenu à la jurisprudence de préciser les contours de cette distinction : l’activité de police est judiciaire dès lors qu’elle est en rapport avec une infraction déterminée, peu importe que l’infraction soit réelle ou supposée, peu importe qu’elle soit réalisée ou en préparation, la recherche d’une infraction déterminée même éventuelle confère à l’opération un caractère de police judiciaire TC 15/07/1968 Consorts Tayeb.
Cette distinction est très importante car la même activité de police pourra avoir aussi bien une nature administrative ou judiciaire selon la finalité (ex : contrôle d’identité sur la voir publique à titre préventif pour maintenir l’ordre public c’est de la police administrative article).
A l’inverse lorsque le contrôle a pour but de rechercher les auteurs d’une infraction déterminée c’est de la police judiciaire. Toutefois dans l’un et l’autre cas la vérification sera placée sous le contrôle des Magistrats du Parquet d’où compétence du juge judiciaire.
De la même manière une mission de police peut changer de nature en cas d’exécution, une mission de police administrative se transforme en mission de police judiciaire il y a une infraction au cours de l’opération TC 5/12/1977 Demoiselle Motsch (ex : opération de contrôle de police sur la voie publique c’est de la police administrative, l’automobiliste ne s’arrête pas c’est une infraction on passe dans la police judiciaire).
A l’inverse une opération de police judiciaire peut devenir administrative. Ainsi la mise en fourrière est de la police judiciaire C.E. 12/04/1995 Mme Knudsen. Une fois l’enlèvement réalisé on retombe dans la police administrative C.E. 13/01/1992 Grasset.
La nature de l’opération de police va déterminer le régime juridique qui lui est applicable, les conséquences de la distinction sont donc très importantes.
Les conséquences de cette distinction
Ces conséquences sont très importantes, elles concernent d’abord :
a. Les autorités et personne publiques investies des pouvoirs de police :
• La Police Judiciaire est exercée exclusivement au nom de l’Etat donc seule des autorités et agents de l’Etat ont ces pouvoirs. Le Maire détient des pouvoirs d’Officier de Police Judiciaire en tant qu’agent de l’Etat, il peut constater des infractions, dresser des PV, déférer…
• A l’inverse la police administrative peut être exercée au nom de l’Etat des départements ou des communes. On constatera que les autorités de la région n’ont pas de pouvoirs de police.
b. La répartition des compétences contentieuses :
• Le contentieux de la police administrative relève de la juridiction administrative, il en va ainsi pour le contentieux de la légalité et de la responsabilité et naturellement comme la compétence suit le fond devant la juridiction administrative on applique le droit public.
• A l’inverse le contentieux de la police judiciaire relève de la juridiction judiciaire. Ce contentieux intéresse la fonction de la juridiction judiciaire (le Parquet, le Siège…).
Toutefois le juge administratif est toujours compétent pour réparer le préjudice subi par le personne de police dans l’exercice de ses fonctions sans qu’on distingue s’il était dans une mission de police judiciaire ou de PA : C.E. 17/04/1953 Pinguet. Tout ceci est clair en théorie mais en pratique lorsqu’il y a un changement de nature de la mission de police pendant son exécution il y a un problème.
Deux solutions sont possibles :
• Une succession de régimes juridiques en fonction de la nature des missions.
• Une unification de régimes juridiques au profit d’une des deux opérations.
La jurisprudence a opté pour la deuxième solution dans l’intérêt des justiciables. On se fonde sur la nature de l’opération à l’origine du préjudice.
Cette solution a été consacrée par la jurisprudence dans deux grands arrêts :
• C.E. Assemblée 24/06/1949 Consorts Lecomte.
Les faits : des agents de police sont chargés d’arrêter un véhicule suspect, la voiture force un barrage, les policiers tirent, une balle perdue vient tuer le Sieur Lecomte.
Quel est le régime de responsabilité ?
Le C.E. juge que la juridiction administrative est compétente pour apprécier la nature de l’opération dès lors que celle-ci présentait le caractère d’une mission de police administrative.
• T.C. 12/06/1978 Société
Les faits : au cours d’un transport de fonds escorté par la police un hold-up survient. L’escorte de police n’intervient pas pour éviter un carnage. L’entreprise de transport de fonds saisit le juge administratif face à l’inaction de la police.
Le Juge administratif est compétent car le préjudice résulte des conditions d’organisation du transport de fonds mais cette solution d’unification du régime applicable ne trouve à s’appliquer que lorsqu’il y a unité entre les missions de police judiciaire et de police administrative. Dès lors qu’il y a une césure nette entre les deux opérations résultant notamment de l’écoulement du temps le contentieux est partagé en se fondant sur l’opération à l’origine du dommage.