Le cadavre est le corps humain qui a cessé de vivre. Il n’est plus une personne, mais il n’est pas non plus une chose. Il occupe une position intermédiaire dans le système juridique, qui lui reconnaît des droits et des devoirs spécifiques. Quelle est donc la nature juridique d’un cadavre ? Est-il un sujet ou un objet de droit ? Quels sont les principes et les règles qui régissent son sort ?
Pour répondre à ces questions, nous verrons dans une première partie que le cadavre est un bien hors commerce, qui bénéficie d’un respect dû à la personne humaine (I). Puis, dans une deuxième partie, nous examinerons les modalités de la disposition du cadavre, qui relèvent à la fois de la volonté du défunt et de l’intérêt général (II).
I) Le cadavre, un bien hors commerce qui bénéficie d’un respect dû à la personne humaine
Le cadavre est le corps humain privé de vie. Il n’est pas considéré comme une chose ordinaire, mais comme un bien hors commerce qui bénéficie d’un respect dû à la personne humaine. Ce respect se traduit par des règles juridiques qui visent à protéger le cadavre contre toute atteinte à son intégrité, à sa dignité ou à sa destination.
A) Le cadavre, un bien hors commerce qui n’appartient à personne
Le cadavre n’est pas un objet de propriété. Il n’appartient ni à lui-même, ni à ses héritiers, ni à l’État. Il est soustrait au commerce juridique et ne peut faire l’objet d’aucune disposition volontaire ou forcée. Il ne peut être vendu, donné, loué, hypothéqué ou saisi. Il ne peut être non plus l’objet d’un contrat, d’un testament ou d’une donation. Il ne peut être transféré que dans le respect des règles relatives au transport et à l’inhumation des corps.
Le cadavre n’est pas non plus un sujet de droit. Il n’a pas de personnalité juridique et ne peut être titulaire d’aucun droit ou obligation. Il ne peut agir ni en justice, ni par l’intermédiaire d’un représentant. Il ne peut être partie à un procès ni bénéficier d’une indemnisation. Il ne peut être protégé que par le biais du respect dû à la personne humaine.
B) Le cadavre, un bien protégé par le droit pénal et le droit civil
Le respect dû au cadavre implique qu’il soit protégé contre toute atteinte portée à son intégrité, à sa dignité ou à sa destination. Ces atteintes peuvent être de nature pénale ou civile.
Le droit pénal réprime les infractions qui portent atteinte au cadavre (1), telles que le vol, la profanation, la violation de sépulture, l’outrage à cadavre ou la mutilation. Ces infractions sont punies de peines de prison et/ou d’amende. Elles peuvent être aggravées en fonction des circonstances ou de la qualité de la victime.
Le droit civil reconnaît également des droits aux proches du défunt, qui peuvent agir en justice pour faire respecter le cadavre. Ces droits sont notamment le droit de disposer du corps, le droit de choisir le mode et le lieu de sépulture, le droit de veiller au respect des volontés du défunt et le droit de demander réparation du préjudice moral causé par une atteinte au cadavre.
Ainsi, le cadavre est un bien hors commerce qui bénéficie d’un respect dû à la personne humaine. Ce respect se manifeste par des règles juridiques qui protègent le cadavre contre toute atteinte à son intégrité, à sa dignité ou à sa destination.
II) Les limites au respect du cadavre imposées par l’intérêt général ou le consentement du défunt
Le respect du cadavre est un principe fondamental du droit congolais, qui découle du respect de la dignité humaine. Toutefois, ce principe n’est pas absolu et peut être limité par des raisons d’intérêt général ou par le consentement du défunt. Ces limites sont encadrées par la loi et doivent être proportionnées aux buts poursuivis.
A) Les limites au respect du cadavre imposées par l’intérêt général : les cas de l’autopsie, de l’inhumation et de l’incinération
L’autopsie (2) est une opération médico-légale qui consiste à examiner le corps d’une personne décédée afin de déterminer les causes et les circonstances du décès. Elle peut être ordonnée par le procureur de la République ou par un juge d’instruction dans le cadre d’une enquête judiciaire, ou par le préfet en cas de risque sanitaire. L’autopsie porte atteinte au respect du cadavre, mais elle est justifiée par l’intérêt général de la justice ou de la santé publique.
L’inhumation et l’incinération sont les deux modes de sépulture autorisés en République démocratique du Congo(3). L’inhumation consiste à placer le corps dans un cercueil et à l’enterrer dans un cimetière ou un site cinéraire. L’incinération consiste à incinérer le corps et à recueillir les cendres dans une urne. Ces deux modes de sépulture doivent respecter les règles d’hygiène et de salubrité publique, ainsi que les prescriptions religieuses ou philosophiques du défunt. Ils peuvent être limités par l’intérêt général en cas de nécessité ou d’urgence, comme lors d’une épidémie ou d’une catastrophe naturelle.
B) Les limites au respect du cadavre imposées par le consentement du défunt : les cas du don d’organes, de la thanatopraxie et de la destination des cendres
Le don d’organes est un acte altruiste qui consiste à prélever des organes ou des tissus sur une personne décédée afin de les greffer sur une personne vivante. Il peut sauver des vies ou améliorer la qualité de vie des receveurs. Le don d’organes(4) est régi par le principe du consentement présumé : toute personne est considérée comme donneur potentiel sauf si elle a exprimé son refus de son vivant. Le don d’organes porte atteinte au respect du cadavre, mais il est fondé sur le consentement du défunt ou, à défaut, sur celui de ses proches.
La thanatopraxie est un ensemble de techniques visant à retarder la décomposition du corps et à lui donner un aspect plus naturel. Elle peut être pratiquée à la demande des familles ou des opérateurs funéraires, sous réserve du respect des règles sanitaires et déontologiques. La thanatopraxie porte atteinte au respect du cadavre, mais elle est fondée sur le consentement du défunt ou, à défaut, sur celui de ses proches.
La destination des cendres est le choix du lieu où seront déposées ou dispersées les cendres issues de la crémation. Elle doit respecter la volonté du défunt ou, à défaut, celle de ses proches. Les cendres peuvent être conservées dans une urne funéraire, inhumées dans un cimetière ou un site cinéraire, ou dispersées dans un espace naturel. La destination des cendres porte atteinte au respect du cadavre, mais elle est fondée sur le consentement du défunt ou, à défaut, sur celui de ses proches.
Conclusion
Le cadavre n’est ni une personne ni une chose, mais un bien hors commerce qui conserve une certaine dignité. Il est soumis à un régime juridique particulier, qui vise à concilier le respect de la volonté du défunt et l’intérêt général. Le cadavre peut ainsi faire l’objet de différentes formes de disposition, telles que l’inhumation, la crémation, le don d’organes ou la recherche scientifique, sous réserve du consentement préalable du défunt ou de ses proches et du respect des règles d’hygiène et de sécurité publique. Le droit congolais reconnaît donc au cadavre une valeur symbolique et sociale, qui dépasse sa simple matérialité.
Références
1. Le Code pénal congolais sanctionne en son article 61 les atteintes au cadavre, telle que la mutilation
2. L’article 66 Loi n° 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la santé publique dispose que « l’autopsie médico-légale est obligatoire en cas de mort violente, suspecte ou inexpliquée » et que « l’autopsie médicale est facultative et requiert le consentement écrit, libre et éclairé du défunt ou de ses ayants droit ».
3. L’ordonnance 11-170 du 24 Mai 1950 sur l’incineration des cadavres humains
4. Loi n° 18/035 du 13 décembre 2018 fixant les principes fondamentaux relatifs à l’organisation de la santé publique est le texte de référence en matière de don d’organes.