Déontologie

Un avocat peut-il plaider nu sous sa robe ?

La question peut sembler saugrenue, voire provocatrice, mais elle n’est pas sans fondement. En effet, il existe un cas réel où un avocat strasbourgeois a été surpris en train de plaider nu sous sa robe devant le tribunal correctionnel. Il a été sanctionné par la commission disciplinaire du barreau de Strasbourg pour “comportement inapproprié dans l’exercice de ses fonctions”.

Mais au-delà de l’anecdote, quels sont les règles et les symboles qui entourent la tenue vestimentaire des avocats ? Peuvent-ils s’habiller comme ils le souhaitent sous leur robe ? Quelle est la signification de cette robe noire qui les distingue des autres professions juridiques ?

La robe d’avocat : une tradition et une obligation

La robe d’avocat est une tradition qui remonte à l’Ancien Régime, où les avocats portaient le costume clérical classique composé d’un vêtement talaire noir à larges manches et d’un capuchon dont les deux cornes retombaient sur les épaules. Ce chaperon fut ensuite remplacé par la toque, symbole de l’indépendance des avocats qui possèdent seuls le pouvoir de plaider couvert devant les juridictions. L’épitoge à rang d’hermine était alors née et n’était portée que lors des audiences solennelles, notamment en Cour d’assises.

La robe traditionnelle et son port aux audiences et cérémonies de l’Ordre ont été supprimés à la Révolution, puis rétablis par un décret du 2 nivôse an XI du temps de Napoléon 1er. Il s’agit de la robe d’aujourd’hui, mais sans épitoge. Le port de la toque est aujourd’hui tombé en obsolescence dans la plupart des barreaux, mais il reste d’usage dans les cérémonies officielles.

Le port de la robe est aujourd’hui une obligation légale pour les avocats, qui découle de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1971. Le costume de l’avocat est ainsi ordonné : une robe, des boutons, un rabat blanc et une épitoge. Dans certaines circonstances, pour les occasions solennelles, des gants blancs et un nœud papillon blanc peuvent être portés.

L’origine de la robe d’avocat

La robe d’avocat remonte à l’Antiquité grecque, où elle était portée par les orateurs comme signe de dignité et de puissance. Elle a ensuite été reprise par les ecclésiastiques au Moyen-Age, pour rappeler que la justice était un sacerdoce. La robe d’avocat était alors une soutane noire avec un capuchon et une fourrure blanche en hermine, symbole de pureté et de noblesse .

La robe d’avocat a connu plusieurs modifications au fil du temps, notamment à la Révolution française, où elle a perdu son allure religieuse pour adopter l’épitoge, une pièce de tissu noir froncée en son milieu et garnie de fourrure aux extrémités, portée sur l’épaule gauche. Depuis 1810, la robe d’avocat n’a pas changé d’aspect : elle est noire, fermée devant, à manches larges, avec un rabat blanc plissé appelé “bavoir” ou “rabat”.

L’aspect de la robe d’avocat

La robe d’avocat est confectionnée avec 5 mètres de tissu de laine noire, formant 200 plis qui symbolisent les 200 articles du Code civil. Elle comporte deux poches dont une percée, qui permettait autrefois au client de payer discrètement son avocat en glissant sa bourse dans la poche intérieure . Elle possède également une traîne qui rappelle la noblesse du métier, mais qui est aujourd’hui rabattue à l’intérieur pour des raisons pratiques .

La robe d’avocat peut être accompagnée d’une toque noire en laine ou en velours, garnie d’un galon de même couleur . La toque est facultative et tend à disparaître aujourd’hui. Elle était autrefois obligatoire pour les magistrats et les avocats .

La robe d’avocat : une signification et une protection

La robe d’avocat n’est pas qu’un simple vêtement : elle rassemble de nombreuses significations et fonctions :

  • Elle marque publiquement l’autorité attachée à l’exercice de la justice et assure l’égalité d’apparence des différents membres du barreau. Elle fait office de costume et évoque le caractère sacré de la justice.
  • Elle exprime le serment que prêtent les avocats lorsqu’ils accèdent à la profession : “Je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité”.
  • Elle affirme le principe de laïcité et l’unité du corps des avocats. La tenue vestimentaire est identique pour les femmes comme pour les hommes, qu’importe la taille, la corpulence, la confession. Aucun signe distinctif d’origine religieuse, philosophique, politique ou culturelle ne doit s’observer sur la robe. Aucune décoration ou bijou ne saurait être présent sur sa robe.
  • Elle protège l’avocat dans l’exercice de ses fonctions judiciaires. Son port lui permet de favoriser une certaine distance avec ses clients et d’acquérir une autorité indispensable auprès des magistrats lors de la plaidoirie.

La symbolique de la robe d’avocat

La robe d’avocat est un symbole fort de l’indépendance et de l’unité de la profession. Elle marque l’appartenance à un ordre professionnel régi par des règles déontologiques strictes. Elle exprime également le respect du droit et de la justice, ainsi que la défense des libertés individuelles .

La robe d’avocat est aussi un signe d’égalité entre les avocats, quel que soit leur âge, leur sexe, leur origine ou leur spécialité. Elle efface les différences sociales et vestimentaires pour ne mettre en avant que les qualités professionnelles et humaines de l’avocat .

La légende raconte que l’avocat n’aura que trois robes dans sa vie : il prête serment dans la première, il gagne sa vie dans la deuxième, et il meurt dans la troisième . Certains avocats superstitieux achètent une quatrième robe pour contourner cette règle .

Le rôle de protection de la robe d’avocat

La robe d’avocat n’est pas seulement un symbole : elle est aussi une protection pour les avocats et leurs clients. En effet, la robe d’avocat confère à son porteur une immunité judiciaire : il ne peut pas être arrêté ou fouillé lorsqu’il porte sa robe dans l’exercice de ses fonctions

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Toni Lokadi

Toni Lokadi

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2 Comments

  1. Avatar

    Sabriina K

    1 avril 2023

    Merci

  2. Avatar

    Jessica K

    1 avril 2023

    Bonne leçon sur la robe des avocats

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