La lecture peut être un moyen de réhabilitation pour les personnes incarcérées. C’est le pari du Brésil, qui a mis en place un dispositif innovant de réduction de peine pour récompenser la lecture en prison. Dans ce billet, nous allons présenter les principes et les enjeux de cette initiative, ainsi que les réactions qu’elle suscite dans la société brésilienne.
Le contexte : un système pénitentiaire en crise
Le Brésil est le troisième pays au monde en termes de population carcérale, avec plus de 800 000 détenus pour une capacité d’accueil de 460 000 places. Les conditions de détention sont souvent déplorables, marquées par la surpopulation, la violence, la corruption et le manque d’hygiène. Le taux de récidive est élevé, estimé à 70 % selon le ministère de la Justice.
Face à cette situation, le gouvernement brésilien a adopté en juin 2012 une réforme du code pénal qui vise à favoriser la réinsertion des détenus par l’éducation. Il s’agit des programmes de Remição por tempo de estudo (« Rédemption par l’étude ») et de Remição pela Leitura (« Rédemption par la lecture »), qui permettent aux prisonniers de réduire leur peine en participant à des activités éducatives ou culturelles.
Le principe : lire pour raccourcir sa peine
Le programme de Rédemption par la lecture repose sur un principe simple : pour chaque livre lu par un détenu, celui-ci voit sa peine réduite de quatre jours, dans la limite de douze livres par an, soit une réduction maximale de 48 jours. Les livres doivent être choisis parmi une liste préétablie, comprenant des œuvres de science, de philosophie ou de littérature nationale. Les détenus doivent ensuite rédiger un compte-rendu ou une dissertation sur le livre lu, qui sera évalué par un comité composé d’enseignants, d’avocats et de représentants du système pénitentiaire.
L’objectif du programme est double : d’une part, encourager les détenus à développer leurs compétences en lecture et en écriture, ce qui peut leur être utile pour leur réinsertion sociale et professionnelle ; d’autre part, leur offrir une ouverture culturelle et intellectuelle, susceptible de favoriser leur prise de conscience et leur transformation personnelle.
Les résultats : des bénéfices individuels et collectifs
Le programme de Rédemption par la lecture a été mis en œuvre dans les quatre prisons fédérales du Brésil, ainsi que dans plusieurs prisons des États. Selon le ministère de la Justice, plus de 6 000 détenus ont participé au programme entre 2012 et 2020, et plus de 30 000 livres ont été lus. Les témoignages des participants sont souvent positifs, soulignant l’impact du programme sur leur estime de soi, leur confiance en l’avenir et leur envie d’apprendre.
Le programme a également des effets bénéfiques sur le climat carcéral, en contribuant à réduire les tensions et les conflits entre les détenus et avec le personnel pénitentiaire. Il favorise également la création de liens sociaux entre les participants, qui partagent leurs lectures et leurs impressions. Enfin, il permet aux détenus d’accéder à un droit fondamental, celui à l’éducation, reconnu par la Constitution brésilienne et par les conventions internationales.
Les limites : des défis à relever
Le programme de Rédemption par la lecture n’est pas exempt de critiques et de difficultés. Certains remettent en cause son efficacité réelle sur la prévention de la récidive ou sur le changement d’attitude des détenus. D’autres soulignent les inégalités d’accès au programme selon les prisons ou selon le niveau scolaire des détenus.
Malgré ces limites, le programme présente des avantages indéniables pour favoriser l’insertion sociale et professionnelle des détenus. Il leur permet de développer leurs compétences linguistiques et culturelles, de stimuler leur créativité et leur esprit critique, de renforcer leur estime de soi et leur confiance en l’avenir. Il leur offre aussi une occasion de s’évader mentalement de leur condition carcérale et de se reconnecter avec le monde extérieur.
Pour améliorer le programme, il faudrait donc le généraliser à toutes les prisons du pays, en tenant compte des besoins et des préférences des détenus. Il faudrait également renforcer l’accompagnement pédagogique et psychologique des participants, en leur proposant des ateliers d’écriture, des rencontres avec des auteurs ou des bibliothécaires, des débats ou des expositions. Il faudrait enfin évaluer régulièrement les effets du programme sur la réinsertion des détenus, en utilisant des indicateurs pertinents et fiables.