Exposé des motifs
Depuis son adhésion en date du 18 mars 1996 à la Convention des Nations-Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, la République Démocratique du Congo n’avait pas encore harmonisé sa législation interne avec les dispositions pertinentes de ladite Convention.
En effet, suivant cette Convention notre pays a l’obligation d’ériger les actes spécifiques de torture ou de leur tentative en infraction autonome et d’appliquer à ses auteurs, co-auteurs ou complices, des peines appropriées qui prennent en considération leur gravité.
La torture physique ne constituait qu’une circonstance aggravante de l’infraction d’arrestation arbitraire et de détention illégale prévue à l’article 67 du décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal, ainsi que des infractions aux articles 191, 192 et 194 du Code pénal militaire.
La Constitution du 18 février 2006 en son article 16 interdit la torture et tout traitement cruel, inhumain et dégradant, et l’article 61 du même texte ne tolère aucune exception à ce principe, quelles qu’en soient les circonstances.
Pour se conformer à ces dispositions conventionnelles et constitutionnelles, il sied de modifier et de compléter le Code pénal afin d’y introduire la définition conventionnelle de la torture, de préciser les circonstances qui peuvent aggraver les faits prohibés, et de rendre imprescriptible l’action publique née de la commission de ces faits.
Telle est l’économie générale de la présente loi.
Loi
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la Loi dont la teneur suit :
Article 1 er :
Il est inséré à la section 1 ère du titre I” livre II du Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal les articles 48 bis, 48 ter et 48 quater ainsi libellés.
Article 48 bis
Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d’un service public ou toute personne agissant sur son ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite, qui aura intentionnellement infligé à une personne une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit, sera puni de cinq à dix ans de servitude pénale principale et d’une amende de cinquante mille francs congolais à cent mille francs congolais.
Article 48 ter
Le coupable sera puni de dix à vingt ans de servitude pénale principale et d’une amende de cent mille francs congolais à deux cent mille francs congolais lorsque les faits prévus à l’article 48 bis ci-dessus auront causé à la victime un traumatisme grave, une maladie, une incapacité permanente de travail, une déficience physique ou psychologique, ou lorsque la victime est une femme enceinte, un mineur d’âge ou une personne de troisième âge ou vivant avec handicap.
Il sera puni de servitude pénale à perpétuité lorsque les mêmes faits auront causé la mort de la victime.
Article 48 quater
Sans préjudices des dispositions de l’article 24 du Code pénal, l’action publique résultant de faits prévus par les articles 48 bis el 48 ter ci-dessus est imprescriptible.
Article 2
La présente Loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.
Fait à Kisangani, le 09 juillet 2011
Joseph KABILA KABANGE
Le Loi n° 11/008 du 09 juillet 2011 portant criminalisation de la torture en République démocratique du Congo (RDC) a été promulguée par le Président de la République, Joseph Kabila Kabange, pour se conformer aux dispositions de la Convention des Nations-Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, à laquelle la RDC a adhéré en date du 18 mars 1996. Elle a également pour objectif de respecter les principes constitutionnels qui interdisent la torture et tout traitement cruel, inhumain et dégradant, sans aucune exception.
La loi n° 11/008 du 09 juillet 2011 définit la torture comme toute douleur ou souffrance aiguë, physique ou mentale, infligée intentionnellement à une personne par un fonctionnaire ou une personne agissant sur son ordre ou son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite, dans un but précis. Elle prévoit des peines allant de cinq à vingt ans de servitude pénale principale et d’une amende de cinquante mille francs congolais à deux cent mille francs congolais, selon la gravité des faits et les circonstances aggravantes. Elle rend également imprescriptible l’action publique née de la commission de ces faits.
La loi n° 11/008 du 09 juillet 2011 constitue une avancée significative dans la lutte contre la torture en RDC, qui était auparavant considérée comme une simple circonstance aggravante de certaines infractions prévues par le Code pénal ou le Code pénal militaire . Elle permet de sanctionner les auteurs, co-auteurs ou complices de ce crime odieux, qui porte atteinte à la dignité humaine et aux droits fondamentaux des personnes. Elle contribue également à prévenir la torture en renforçant le rôle des institutions nationales des droits de l’homme et des organisations de la société civile dans le suivi et le contrôle des lieux de détention .
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, plusieurs agents de l’Etat ont été condamnés pour avoir pratiqué et/ou encouragé la torture en RDC. Toutefois, des défis demeurent pour assurer l’application effective et uniforme de cette loi sur l’ensemble du territoire national, notamment en ce qui concerne la formation des acteurs judiciaires, la sensibilisation des victimes et des témoins, l’accès à la justice et à la réparation, ainsi que la coopération avec les mécanismes internationaux de lutte contre la torture.