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Les bénéficiaires des privilèges de juridiction

La Constitution ainsi que les différents traités internationaux ratifié par notre pays consacre la liberté de tous les citoyens devant la loi.

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Cependant, cela reste une théorie car si nous sommes tous égaux devant la loi, nous ne sommes pas pour autant tous identiques devant la loi.
Cela s’explique par le fait que nous ne sommes pas tous justiciables des mêmes juridictions ; c’est-à-dire, certaines infractions commises par une certaine catégorie des personnes ne sont susceptibles d’être instruites et jugées que par une juridiction dictée par la loi, même si l’acte constitutif de l’infraction est du droit commun.

C’est ainsi qu’à chaque fois qu’une personne, pour une infraction donnée, est traduite, sur base de sa qualité ou sa position socio-professionnelle, devant une juridiction autre que celle dont la compétence matérielle a été attribuée pour ladite infraction, il y a privilège de juridiction.

C’est une dérogation aux règles de compétence matérielle des juridictions établis par le législateur.
En droit procédural congolais, les personnes dîtes bénéficiaires de privilège de juridiction sont justiciables du Tribunal de grande instance, de la Cour d’appel, de la Cour de cassation et de la Cour constitutionnelle.
Mais qui sont exactement ces personnes ?

1. Au niveau du Tribunal de grande instance

Le Tribunal de grande instance est compétent pour statuer au premier degré pour ce qui est des infractions commises par :

  • Les Conseillers urbains ;
  • Les Bourgmestres ;
  • Les Chefs de secteur ;
  • Les Chefs de chefferie ;
  • Les chefs de chefferie adjoints,
  • Les Conseillers communaux,
  • Les Conseillers de secteur et
  • Les Conseillers de chefferie.

Siège de la matière : Article 89 alinéa 2 de la loi organique N° 13/011-B du 11 avril 2013.
La nouvelle loi sur le statut des chefs coutumier en son article 26, ajoute à la liste précitée les chefs coutumiers qui sont aussi dorénavant justiciables du tribunal de grande instance.

À savoir : seuls les chefs coutumiers qui ont la qualité de chefs de chefferie sont justiciable du Tribunal de grande instance.
Le procureur de la République près le Tribunal de grande instance, avant de poursuivre ces bénéficiaires, devra préalablement obtenir l’autorisation des poursuites émanant du Conseil dont ceux-ci relèvent.

Au regard de l’article 10 du Code de procédure pénale, sauf pour le cas d’une infraction flagrante ou réputée telle, l’officier de police judiciaire ou l’officier du ministère public qui reçoit une plainte ou une dénonciation ou qui constate une infraction à charge d’un bénéficiaire du privilège de juridiction ne peut procéder à une arrestation qu’après avoir informé la hiérarchie du bénéficiaire du privilège.

C’est pourquoi, aucun conseiller urbain, communal, de secteur ou de chefferie ne peut être poursuivi, recherché arrêté, détenu en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Il ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté, sauf cas flagrant, qu’avec l’autorisation du conseil dont il relève.

L’autorisation du bureau du Conseil est requise en dehors de la session. La détention ou la poursuite d’un conseiller est suspendue si le Conseil dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours.

Siège de la matière : Article 120 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat avec les provinces.

Il faut également signaler que depuis l’évènement de la constitution du 18 février 2006 le Conseil urbain, communal, de secteur et de chefferie sont institués mais ils ne sont pas opérationnels à ce jour car malgré l’organisation de trois élections en République Démocratique du Congo, celles de 2006, 2011 et 2018, le gouvernement congolais n’a toujours pas encore organisé des élections au niveau local.

De ce fait, dans l’effectivité, seuls les Bourgmestres, les Chefs de secteur, les Chefs de chefferie et leurs adjoints ainsi que les chefs coutumiers sont bénéficiaires de privilège de juridiction au niveau du Tribunal de grande instance.

2. Au niveau de la Cour d’appel

Sont justiciables au premier degré devant la Cour d’appel :

  • Les membres de l’Assemblée provinciale, excepté les présidents de ces Assemblées qui sont justiciables devant la Cour de cassation ;
  • Les magistrats des Cours d’appel ;
  • Les magistrats des parquets généraux ;
  • Les magistrats des tribunaux de grande instance ;
  • Les magistrats des tribunaux de paix et,
  • Les magistrats des parquets de la République hormis les premiers Président des Cours d’appel et les Procureurs généraux qui sont bénéficiaires à la Cour de cassation ;
  • Les Maires ;
  • Les Maires adjoints,
  • Les Présidents des Conseils urbains ;
  • Les fonctionnaires des services publics de l’État ;
  • Les dirigeants des établissements ou entreprise publique revêtus au moins du grade de directeur ou du grade équivalent;
  • Les membres du Conseil économique et social et
  • Les membres Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC).

Siège de la matière :

  • Article 91, alinéa 2, point 2 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013, précitée et l’article 10 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces.
  • Article 153 de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée.

3. Au niveau de la Cour de cassation

Au-delà sa compétence de connaître des pourvois pour violation des traités internationaux dûment ratifiés, de la loi ou de la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire, la Cour de cassation est compétente de juger en premier et dernier ressort les infractions commises par :

  • Les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat ;
  • Les membres du gouvernement autre que le Premier Ministre ;
  • Les membres de la Cour constitutionnelle ;
  • Les membres du parquet près la Cour Constitutionnelle ;
  • Les membres de la Cour de cassation;
  • Les membres du parquet général près Cour de cassation ;
  • Les membres du Conseil d’Etat ;
  • Les membres du parquet près du Conseil d’État ;
  • Les membres de la Cour de compte ;
  • Les membres du parquet près la Cour de compte ;
  • Les premiers présidents de Cours d’appel ;
  • Les procureurs généraux près les cours d’appels ;
  • Les premiers présidents des Cours administratives d’appel ;
  • Les Procureurs généraux près les cours administratives d’appel ;
  • Les gouverneurs de province ;
  • Les vice-gouverneurs de province ;
  • Les ministres provinciaux ;
  • Les présidents des Assemblées provinciaux ;
  • Les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI);
  • Les membres de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH).

À savoir : Le Procureur général près la Cour de cassation est la seule autorité habilitée à exercer l’action publique dans les actes d’instruction et de poursuites contre tous ces bénéficiaires précités. Il a l’initiative des enquêtes relatives aux faits infractionnels reprochés à ces derniers et reçoit les plaintes et les dénonciations et rassemble les preuves. Il auditionne toute personne susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité.

Sauf dans le cas de la procédure en matière d’infractions intentionnelles flagrantes, le Procureur général près la Cour de cassation devra préalablement avoir l’autorisation de poursuite et la mise en accusation du Sénat quand il s’agit d’un sénateur, de l’Assemblée nationale pour un député, des membres de la Cour de compte et de l’Assemblée Provinciale s’il s’agit d’une autorité provinciale ci-dessous citée. Pour tous les magistrats ciblés ci-haut, l’autorisation de poursuite émane de Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature. Pour les autres bénéficiaires de cette Cour, l’autorisation émane de l’organe au sein duquel il oeuvre tout.

Siège de la matière :

  • Article 153 de la Constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée à ce jour ;
  • Articles 93 & 95 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 ;
  • Article 81 de la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de cassation.

4. Au niveau de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l’État et du Premier Ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution. Elle est le juge pénal du Président de la République et du Premier Ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d’outrage au Parlement, d’atteinte à l’honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d’initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices.

• Siège de la matière : Articles 163 et 164 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour.

Comme l’on s’en aperçoit, l’institution des privilèges de juridiction au bénéfice de certaines personnes ne consacre pas une quelconque supériorité de ces dernières.

En somme l’objectif visé par le privilège de juridiction est d’éviter que les bénéficiaires soient victimes de poursuites téméraires ou vexatoires par des magistrats qui se trouveraient dans une situation délicate ou ambiguë, de sorte qu’ils statueraient de façon soit trop stricte, soit trop laxiste.

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Toni Lokadi

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