Dans ce billet, je vais vous présenter une fiche d’arrêt sur une décision du Tribunal des conflits du 5 décembre 1977, qui concerne la compétence juridictionnelle en matière de dommages causés par les agents de police. Il s’agit de l’affaire Demoiselle Motsch, qui illustre le critère finaliste de distinction entre la police administrative et la police judiciaire.
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Les faits sont les suivants
Le 12 août 1972, une auto-stoppeuse avait pris place dans une voiture conduite par le sieur X. Au cours d’une opération de contrôle effectuée par la police et destinée à prévenir les actes de banditisme, le conducteur força un barrage pour échapper à toute vérification, poursuivit sa route au mépris de la signalisation, refusa d’obtempérer à la sommation de s’arrêter et dirigea son véhicule sur un agent qui tentait de le contraindre à s’arrêter. L’officier de police Z, qui participait à l’opération, utilisa alors son arme et tira dans la direction du véhicule, blessant la demoiselle Motsch.
La passagère demanda réparation devant les tribunaux judiciaires, estimant que l’acte du policier relevait de la police judiciaire. Le préfet éleva le conflit, soutenant que l’opération était du domaine de la police administrative. Le Tribunal des conflits fut donc saisi pour trancher la question de compétence.
Le problème de droit posé était le suivant
Quelle juridiction (tribunaux de l’ordre judiciaire ou tribunal administratif) était compétente pour connaître du litige relatif aux dommages causés par l’agent de police ? Autrement dit, s’agissait-il d’une opération de police administrative ou de police judiciaire ?
La solution du Tribunal des conflits
La solution du Tribunal des conflits fut de déclarer que le litige ressortissait aux tribunaux de l’ordre judiciaire. En effet, il considéra que « qu’en utilisant ainsi son arme dans l’intention d’appréhender un individu qui venait de commettre plusieurs infractions, cet officier de police a fait un acte qui relève de la police judiciaire ». Il ajouta que « les litiges relatifs aux dommages que peuvent causer les agents du service public dans de telles circonstances ressortissent aux tribunaux de l’ordre judiciaire ».
L’apport de cet arrêt est de mettre en œuvre le critère finaliste de distinction entre la police administrative et la police judiciaire. Ce critère repose sur l’objectif poursuivi par l’acte de police : s’il vise à prévenir les troubles à l’ordre public, il relève de la police administrative ; s’il vise à réprimer les infractions pénales, il relève de la police judiciaire. Ce critère avait déjà été affirmé par le Tribunal des conflits dans les arrêts Dame Noualek du 7 juin 1951 et Consorts Baud du 11 mai 1951. L’affaire Demoiselle Motsch confirme cette jurisprudence et précise que l’utilisation d’une arme par un policier dans l’intention d’appréhender un individu qui vient de commettre plusieurs infractions constitue un acte de police judiciaire.
En conclusion, cet arrêt illustre la difficulté à qualifier les actes de police et à déterminer la compétence juridictionnelle en cas de dommages causés par les agents du service public. Il montre aussi l’intérêt du critère finaliste pour distinguer la police administrative et la police judiciaire, même si ce critère n’est pas toujours facile à appliquer.